Article à retrouver en version originale (en espagnol) en suivant ce lien. ________________________________

Après de longues vacances, nous nous sommes réunis à Santiago du Chili autour des nouvelles “Activités Préparatoires”, dans le cadre d’un transfert de travail. Nous nous préparons pour le Congrès de l’AMP qui se tiendra au mois d’avril à Buenos Aires – Argentine, pays voisin, situé à quelques kilomètres du nôtre.

Nous avons questionné son titre : « L’ordre symbolique au XXIe siècle n’est plus ce qu’il était : quelles conséquences pour la cure? » Il s’inscrit dans une série ternaire efficace. Les titres des Congrès de l’AMP s’articulent de façon logique, sous l’impulsion de Jacques-Alain Miller. Ceux des années précédentes étaient, je vous le rappelle :

– à Rome, en 2006 « El Nombre del padre, prescindir, servirse de él »

– à Buenos Aires, en 2008 « Los objetos (a) en la experiencia psicoanalítica » – à Paris en 2010 « Semblantes y Sinthome ».

Comme le remarquait Eric Laurent dans Los Papers N°1 del VIII Congreso [1] «… après avoir atteint ce point de réel qu’est le Sinthome, la solution qui s’imposait était de reprendre à partir du symbolique». Je tiens à souligner ce « reprendre ».

La pratique lacanienne n’est pas donnée « toute faite », clef en main, cela ne marche pas ainsi. Ce n’est pas une pratique réussie – sauf s’il s’agit de la Passe – mais ce « succès » relève alors d’un autre ordre. Pratiquant la psychanalyse au cœur de l’hypermodernité, nommée ainsi pour bien la caractériser, nous sommes avertis de ses failles et de la massification des pratiques suggestives produites par cette époque symboliquement déficitaire. La fragilité du symbolique – face au réel – secoue avec brutalité les semblants les plus «solides». Dans un même temps, le lien social « liquide » s’étend inexorablement, tel un tsunami.

 A quel moment le réel se montre-t-il ? nous demande une jeune collaboratrice. Lorsque « quelque chose rate ». Quelque chose fait alors irruption dans ce qui, jusqu’ici, semblait fonctionner – là est l’orientation de l’analyste : opter pour le réel.

Qu’il s’agisse d’un tsunami, d’une crise économique mondiale, ou encore du game over de la partie singulière qui se joue, nous devons régler nos comptes avec l’irréductible, conscients à la fin que « ça ne colle pas », que ça ne se clôt pas et que ça ne règle pas tout.

Le non rapport sexuel et ses conséquences se démontrent dans les impasses de notre civilisation, qui sont à leur tour notre orientation pour la direction de la cure. Lorsque le retour de l’impossible nous donne le résultat final, lorsque le lien S1  →   S2 devient la fin des comptes; alors nous devons assumer la dimension du réel et faire avec son irréductibilité.

Nous jouons, aujourd’hui, une partie qui ne doit  s’effectuer ni en miroir, ni dans une contre-révolution face à ceux qui attaquent la psychanalyse. Nous combattons, ici ou là-bas, au Nord ou au Sud  le « Tout marche » [2].

Oui, on peut toujours voir la paille dans l’œil de l’autre (a → a’), mais pas toujours la poutre logée dans le nôtre. Peut-être est-ce pour cela que dans Une Fantaisie [3] J.-A. Miller nous convoque, un par un, à savoir-y-faire avec les nouveaux réels. Ils se présentent tels une embrouille à démêler, dans une époque confrontée à de nombreux chiffres, statistiques, fictions, récits et  violences, conséquences qui adviennent toujours lorsque l’on ignore trop le réel.

Nous osons pratiquer la psychanalyse sans les standards de la mesure, sans les valeurs statistiques. Ce qui nous « cause », de façon opératoire, est d’arriver à donner rendez-vous au sujet avec l’Autre, surtout quand il s’agit de prendre la place d’un partenaire qui sache répondre au malaise de notre époque. La place d’un psychanalyste, comme l’a très bien souligné Graciela Brodsky dans Scilicet, [4] est un endroit qui se trouverait – je l’écris au conditionnel – dans le discours, situé comme agent, objet, avant d’être signifiant.

A partir de cette indéchiffrable singularité du sujet et orientés par le dernier enseignement de Lacan et sa logique nodale, il ne nous reste alors qu’à inventer. Nous commençons à élucider cet enseignement au XXIe siècle, mais sans aucune garantie, orientés par le réel d’une contingence  devenue nécessaire et qui se répète. Nous ne sommes que le témoignage de cette contingence.

Traduction : Mariana Alba de Luna

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  1. LAURENT, E.: “El orden simbólico en el siglo XXI Consecuencias para la cura”, http://www.congresoamp.com/Papers/Papers-001.pdf
  1. un combate al “Todo marcha”
  1. MILLER, J.-A.: “Conferencia de Jacques – Alain Miller en Comandatuba. Una Fantasía”,

http://www.congresoamp.com/es/template.php?file=Textos/Conferencia-de-Jacques-Alain-Miller-en-Comandatuba.html

  1. BRODSKY, G.: “Discurso del analista”, en Scilicet. El orden simbólico en el siglo XXI. No es más lo que era ¿Qué consecuencias para la cura? Grama ed., Buenos Aires, 2011, p. 106
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