Pièce écrite et jouée par Stéphanie Colonna, Alexandra Galibert, Barbara Grau, Caroline Sahuquet, mis en scène par Justine Heynemann. Production, Françoise Castro

Cette pièce ne met pas seulement à l’honneur le désir de femme, c’est aussi un tour de force, et à plus d’un titre. Le premier tour de force est de réussir à traiter un sujet universel, l’engagement et ses avatars, tout en faisant place à la singularité de quatre drôles de dames, personnages hauts en couleur et émouvants. L’héroïne, une jeune femme d’une trentaine d’années, vacille au moment où elle doit s’engager avec un homme qui l’aime et la désire. L’inhibition la gagne au point qu’elle ne peut plus non plus s’engager dans la vie active faute de terminer l’ultime épreuve d’un diplôme de stylisme : créer une robe. La tentation d’en finir et quelques anxiolytiques plus tard, le coup de théâtre se produit : sa mère, sa grand-mère et son arrière grand-mère, décédées depuis longtemps, viennent à son secours. Quatre générations de femmes et quatre destins différents qui sont autant d’énigmes à résoudre pour libérer le désir de l’héroïne pris dans la crainte impossible à supporter de perdre encore une fois un être aimé.

Le deuxième tour de force, c’est l’écriture de la pièce à quatre mains, et par chacune des actrices. L’humour décapant est au rendez-vous. Il ne manque aucun détail précis et féroce sur la vie amoureuse et ses déclinaisons pour l’homme et la femme : à lui, la cruauté du ravalement bien trop nécessaire pour désirer les femmes ; à elle, le cynisme pratique de l’organisation économique en maison close; à lui, le triomphe guerrier de la pulsion de mort plutôt que l’affrontement au désir d’une femme ; à elle, l’amour idéalisé jusqu’au ravage qui ne fait plus aucune place à un homme vivant ; à lui le gout des amours adultères, et à elle le dégout et l’acte manqué qui la fait disparaître. Chaque histoire est à la fois celle du ratage inscrit au cœur du couple et l’invention toujours bancale pour y parer. Le ravage de la relation mère fille, qui en résulte, est l’occasion de dialogues amusants et parfois cocasses ou graves, mais toujours plein de bonne humeur. Et, dans cette drôle de famille amazone, la réponse d’une femme aux débordements de jouissance de sa mère passe par le choix du métier d’avocate et féministe bien sûr.

Il n’y a pas de rapport sexuel, c’est entendu. Mais la pièce montre comment surmonter la panne grâce au désir dès que l’héroïne décide de s’y retrouver dans son histoire, c’est-à-dire d’assumer ses responsabilités de femme. De fil en aiguille, une fois la parole libérée, c’est le destin qui se détricote et l’héroïne peut en tisser autrement les fils. Le costume à endosser n’est plus alors la dérobade, mais la robe du désir. Et, elle porte la marque flamboyante du maître mot jusque-là effacé : rouge gorge. Il n’est pas seulement l’incarnation du désir de l’homme réduit au seul filet de voix qui se fait entendre de génération en génération. Il est aussi cette gorge écarlate du corps de femme que la robe incarne afin de porter haut les couleurs de la vie lorsqu’une femme est décidée à parier de nouveau sur le désir. Quel autre moyen en effet pour que ça continue encore, ce merveilleux malentendu entre les sexes ?

THEATRE MOUFFETARD, jusqu’au 5 novembre 2011

73 rue Mouffetard – Paris 5ème, 01 43 31 11 99

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