Superman Et Les Sous-Hommes par Pierre Gilles Gueguen

« La meilleure image qu’on puisse donner de l’Inconscient c’est Baltimore au petit matin » Jacques Lacan. 1966.

Arnold Schwarzenegger, alias Terminator, est aussi Superman, l’idéal de l’homme américain. Né en Autriche d’un père nazi, il a toujours rêvé d’émigrer et c’est pour cela qu’il a commencé, encore au biberon, à soulever de la fonte. On le retrouve en 1968 sur la côte Ouest, maçon avec un compère culturiste Italien, puis à Hollywood, puis gouverneur du puissant état de Californie. Il incarne le rêve américain de la réussite, de l’intégration et de la virilité premier choix – comme on dit prime beef.

Dans une interview hilarante donnée à 7H du matin à Michael Lewis pour le magazine Vanity Fair, il entraîne le journaliste, suant et soufflant, dans une randonnée à vélo matinale et suicidaire, faisant fi des feux rouges, sens interdits ou sens uniques. L’ancien gouverneur risque-tout, explique au journaliste haletant, et pris entre deux crises d’apoplexie, l’état économique de la Californie.

Arnold n’a pas d’état d’âmes. Il vit pour le « fun», le nom de la jouissance pour les  surfers et les body-builders. Son ascension lui a donné des sensations fortes. Il a perdu, mais – et c’est là toute sa philosophie de bande dessinée –  : «  si on veut vivre et  pas seulement exister on a besoin de drame ».

Des biscoteaux de fer et une morale d’acier – celle de Superman – simple mais déterminée, pas celle des femmelettes : voilà le portrait d’un gouverneur républicain, tout d’une pièce, pas divisé, qui ne réfléchit pas mais qui agit ; et qui, par sa simplicité même, a réussi à imposer quelques lois dans un état où les corps constitués, les banques et les lobbies font la loi.

Mais pour ce qui est du nerf de la guerre, l’argent, Terminator n’a pas réussi à imposer sa carrure d’athlète aux financiers californiens. Il n’a rien vu de la crise qui se préparait « Je suis fait pour le monde – dit-il – pas pour les trucs locaux. On apprend au passage qu’il est indifférent à la façon dont ce corps, qui lui a assuré le succès, est vu par les autres : il n’y a pas chez lui de narcissisme.

Vanity Fair traite aussi sérieusement des sujets graves que des sujets futiles et le reportage sur l’état financier de la Californie laisse penser que plutôt que de s’effondrer dans le Pacifique à cause de la faille tellurique toujours menaçante, l’état du soleil et des palmiers, de la Silicon Valley aussi, pourrait bien

 entrainer toute l’Amérique dans sa faillite. Le système électoral californien est fait de telle façon que les électeurs élisent des politiciens pour agir mais qu’ils leur refusent tout moyen financier de leurs actions – en refusant en particulier toute augmentation des impôts : «  ils veulent des services mais ne pas avoir à les payer ». Et donc l’État californien s’est endetté au maximum, ainsi que ses municipalités et d’ailleurs tous les habitants de Californie – les sous hommes – qui sont surendettés  :. « Nous avons souffert d’un délire de masse » dit le maire de la ville de San Jose, aujourd’hui ruinée.

Une analyste privée de Wall Street confiait à l’émission 60 minutes que les états qui avaient emprunté au Trésor américain feraient pression sur les comtés pour se faire rembourser, puis ceux-ci sur les villes qui se trouveraient mises en faillite, comme le sont les particuliers, qui ont fait confiance aux banques, et qui aujourd’hui sont chassés de leur maison qu’ils ne peuvent plus rembourser. C’est le système des « subprimes ». L’analyste financière en question prévoyait que les américains riches pourraient émigrer vers les états les moins endettés alors que les plus pauvres devraient assumer le poids de l’endettement.

  Paru dans le N°71 de Lacan Quotidient

À suivre

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