La dernière expérimentation du CERN semble avoir causé un léger tremblement dans la théorie de la relativité restreinte et partout dans les médias (la figure d’Albert Einstein notamment). En effet, des neutrinos (dont on doit le nom à Enrico Fermi) auraient parcouru la distance de 730 Km, du CERN à Genève jusqu’à un laboratoire en Italie, 60 nanosecondes (soit 1/1000000000 d’une seconde) plus rapidement que la lumière.

Mais, selon ce que l’on dit, après-coup, il se pourrait bien que si l’arrivée des neutrinos a été enregistrée avec précision, il n’en est pas de même pour la sortie. Ou peut-être se sont-ils tout simplement échappés – dérobade ! ­- des lieux de sortie de la compétition de vélocité avec la lumière.  Les neutrinos semblent se comporter selon la logique du pas tout : « ils n’aiment pas les interactions avec n’importe quoi, ils échappent de tout ». Donc, il se peut aussi que les neutrinos ont opté pour sortir selon une autre dimension, différente de celle dans laquelle se déplace la lumière, et en conséquence ils sont arrivés avant.

Cette information a causé, en effet, un léger tremblement, même dans les médias, vis-à-vis desquels on peut supposer tout, sauf une véritable connaissance de la théorie de la relativité restreinte. Il vaut mieux, donc, examiner un peu plus le caractère de ce tremblement. Où s’est-il produit, dans quelle zone de la subjectivité moderne ? Il me parait y avoir au moins deux di(t)mensions.

La première dit-mension, est très bien mise en évidence par le titre de l’article d’Amador Menéndez : « Les neutrinos, trompeurs, ou plus rapides ? » Lacan, dans la séance de son Séminaire du 14 Décembre 1955, enseigna à la surprise générale ce qu’on aurait pu qualifier de « obvious » : la science moderne, cartésienne, repose sur un acte de foi (très bien situé dans le mot d’Einstein : « Dieu est malin, mais honnête ») : la matière ne peut pas nous tromper. Et Lacan arriva même à dire que s’il se trouvait dans la physique qu¹il y ait une particule en plus, un personnage qui mentirait dans la mécanique atomique, ce serait un petit peu angoissant.

La seconde dit-mension, c’est la dit-mension du temps. L’angoisse et le temps, voilà deux noms du réel, si je puis dire. L’article d’Amador Menéndez situe le temps d¹après-coup comme celui où, la question qui se pose, est : ces neutrinos, nous ont-ils trompés ? Jacques-Alain Miller, dans ses conférences à Rio de Janeiro sur « L¹érotique du temps », avait éclairé comment la théorie de la relativité, dès le moment où le temps est posé comme une quatrième dimension, « annule le passage du temps comme tel ». Et si avec Amador Menéndez, nous nous situons dans un après-coup de l’expérimentation, c’est que, avec l’angoisse, réapparait le temps réel. « Voilà qu¹il serait possible de voyager dans le temps » – on dit, on fantasme. La science comme fantasme,  n’est-ce pas la fenêtre sur le réel qui  laisse passer un petit aperçu d’un réel qui n’a absolument du sens, mais qui « au même temps » donne a deviner un certain « semblant scientifique » ou nous vivons dès le siècle d’Einstein, et qui semble parfois se déplacer doucement ?

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