La guerre est déclarée ! par Frédérique Bouvet

Peu de films sur un sujet aussi grave – le cancer d’un très jeune enfant – arrivent à attirer l’attention des médias et surtout des spectateurs. C’est pourtant ce qui s’est produit avec le dernier film de Valérie Donzelli, « La guerre est déclarée », sorti le 31 août 2011. Un homme, une femme, deux parents rentrent en guerre contre le cancer, contre cette tumeur qui attaque le cerveau de leur jeune enfant. Valérie Donzelli joue le rôle de la mère ; Jérémie Elkaïm, celui du père. Cela leur est réellement arrivé à tous les deux. Ensemble, ils ont eu un premier enfant chez qui une tumeur au cerveau a été découverte lorsqu’il avait 18 mois. Est-ce que le film est un documentaire sur leur histoire ? Assurément non.

Dans ce film, Roméo joué par Jérémie Elkaïm rencontre Juliette, jouée par Valérie Donzelli. Cette dernière en apprenant le prénom de Roméo lui demande d’ailleurs si ce n’est pas une blague. Non. « Alors, on est voué à un destin tragique » énonce Roméo, prémisses du réel qui va surgir. Après ce coup de foudre, se succèdent quelques plans sur leur amour lancé à toute vitesse. Un regard échangé devant le tableau de Gustave Courbet « L’Origine du monde » et de ce plan naît un enfant, Adam. Mais quelque chose cloche chez Adam. Il ne marche toujours pas, vomit d’un jet, à la tête qui penche et a cette joue qui commence à gonfler et que remarque la pédiatre, inquiète, qui l’adresse à un neurologue. Départ précipité. Marseille-Hôpital La Timone. Le diagnostic tombe, tumeur au cerveau. Nous sommes en 2003. Les américains ont envahit l’Irak, la guerre est déclarée.

Retour à Paris. Après le choc de l’annonce du cancer de leur fils, Roméo et Juliette décident de ne pas en savoir plus que les médecins sur la maladie, pas d’internet et de se concentrer sur l’essentiel. On rit avec les messes-basses de Juliette devant le médecin pour savoir si elle peut quand même poser une question. Ou bien encore quand la veille de l’opération d’Adam, chacun imagine le pire, surenchérit et finit par en rire. Comment traiter le réel ? Certainement ici par la fiction, mixte d’imaginaire et de symbolique ainsi que par le comique. On ne tombe pas dans le pathos malgré l’hôpital, les chimios, les difficultés financières. Nous sommes parfois émus mais jamais apitoyés sur les uns et les autres. La réalisatrice a voulu faire de ce combat, une comédie. Pari plutôt réussi avec des ruptures de ton, rythmés par des musiques éclectiques : classique, Higelin, punk etc., des séquences proches d’un clip.

À la question, « Pourquoi cela tombe sur nous ? », Juliette répond « parce qu’on est capable de surmonter cela » Bien sûr, ce n’est pas une question de capacité, mais plutôt d’avoir un désir décidé, de ne pas laisser l’imaginaire et la jouissance l’emporter et de trouver comment faire avec ce réel qui lui est tombé dessus, notamment peut-être par le semblant. Ce film engagé, tourné dans l’après-coup de la maladie véritable d’un enfant, n’est pas une demande de bonheur à tous crins mais un film sur l’amour entre un homme, une femme, un enfant, et aussi sur le réel.

Le temps a passé, la guerre s’est prolongée. Le couple s’est séparé mais Adam a guéri. Roméo dit à Juliette « qu’il n’aurait jamais pu vivre cela avec quelqu’un d’autre », indice du réel présent dans l’amour. Dernier plan, Gabriel, le fils de Valérie Donzelli et de Jérémie Elkaïm court sur la plage avec ses parents, désormais séparés. Il ne verra pas pour l’instant le film. Dans des interviews, ses parents disent qu’ils préfèrent « que leur fils garde intact ses souvenirs ».

Seul bémol à ce film, il s’agit d’un jeune enfant qui ne parle pas et dont le silence accentue davantage le côté objet, déjà très présent par les soins prodigués. Nous n’entendrons cet enfant qu’à la fin du film lorsque nous découvrons, Gabriel, guéri, 8 ans après l’annonce de sa maladie.

Ce film est une réponse à un insupportable – la maladie d’un enfant – et devient un traitement du réel. Il s’agit aussi d’une guerre déclarée à soi-même pour chacun des deux personnages principaux, une mère, un père, une femme, un homme, d’un combat pour ne pas laisser l’imaginaire l’emporter.

Tout comme notre clinique, ce film s’oriente du réel. Il est à la fois très loin du discours moderne et de la recherche de la jouissance mais aussi très proche par la présence de la science.

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