…and the whole megilla

par Nina Vézer de Selves

(Et tout le tremblement)

Kiki von Caruso, qu’on appelle couramment le sous-ministre de la défonce nationale parce qu’il vit in cloud-cuckoo-land, complètement meshuga, m’a dit, dans la parlure qui lui sert à communiquer ce qui lui tient lieu de pensée : « Calcule ! Tu mets les pieds tu sais où ? Les psys, on s’en branle, ma fleur. C’est bourrin de chez Bourrin. »

Quant à maman, elle m’a dit que son psy avait filmé Diana déballant son nooky avec le garde de son corps, et qu’elle avait ensuite zappé bouillave de l’un à l’autre. Bref, Accoyer, accourez ! C’est dire le préjugé.

J’ai répondu à Kiki que je ne voulais pas qu’on pavlovise les déchiros, et que la canadisation me faisait gerber. Il a pris en considération cette forte opinion exprimée dans son sabir. À maman, qui est très Opus Dei, Opus on ne peut plus, j’ai dit que les « québécois », c’était Esprit and co. Ça l’a bien fait réfléchir, car elle ne peut pas les encadrer.

Mamie est la seule qui percute pourquoi les psys allumés du Nouvel Âne me branchent. Elle a bien, « très bien, dit-elle », nudge nudge wink wink, connu Lacan aux cocktails Gallimard dans les années 50. « Son regard, mon petit, son regard… Et quand il disait “Chère…“, avec la voix de Sacha Guitry, il était vraiment numero uno. »

Agnès veut du futile pour relever le goût de son magazine. Personne de son équipe ne va en boîte. Ils ont fini une fois leur Congrès au Barrio Latino, pas un ne savait où c’était. On ne nage pas en pleine coolitude.

Futile, dit-elle. Aspasia m’a dit que sa mère, qui est maintenant mariée avec Narkis, l’armateur, avait été en vacances pendant un mois, il y a dix ans, à Biarritz, dans une bande de clones où il y avait Philippe Douste-Blazy et sa femme. Je me suis fait tout raconter. Eh bien, elle lui roulait tout le temps des galtouzes ! Un mari qui bécote sa femme, une femme qui lèche malment son mari, n’est-ce pas intrigant ? It happened in Lourdes. C’est un miracle.

À Londres, it’s a no-no.

 

 

La colline de Bellosguardo

 

Le jour où Charles a appris que Camilla épousait Andrew, les nerfs que ça lui a mis ! Il était no future. Camilla l’a calmé : « C’est mieux comme ça, mon grand. Je serai toujours là pour toi. Andrew est un gentleman. » C’est du sigisbée grande tradition.

Camilla avait dépucelé Charles. Il est resté attaché pour toujours à sa master, comme son oie blanche à Konrad Lorenz, qui lui pourtant, avait respecté l’innocence de l’animal. Selon Match, elle l’aurait abordé (Camilla Charles, pas l’oie Konrad) en lui disant : « Mon arrière-grand-mère était la maîtresse de votre arrière-arrière-grand-père. What do you say ? Exciting, isn’t it ? »

Fière luronne, la Camilla, comme toute sa lignée d’ailleurs, à commencer par le bel Arnold, amené dans ses bagages par Guillaume d’Orange. Un petit page « constant companion of the King », tu parles, Charles ! En bon français, le roi était une petite reine. Il a eu le béguin pendant vingt-cinq ans pour le daisy. D’où sa largeur de vue, le Toleration Act, le Bill of Rights,  et tout le tremblement. Le salut par les gais, comme on dit au Québec.

Arnold Joost van Keppel a été fait First Earl Albermarle pour sa peine. « Et sa p… », dit Aspasia, qu’on appelle la Belle Hellène. Selon Kiki, elle a les mêmes yeux que moi, de beaux yeux, mais qui morganent. Albermale, c’est Aumale, en Normandie. Il y a eu une comtesse d’Albermarle, appelée Hawise, qui était presque un homme, a écrit le fameux chroniqueur, Robert of Devizes, « lacking nothing virile except the virile organs ».

Comme ça se trouve, l’arrière-arrière-arrière-petit fils de Hawise a épousé l’arrière-grand-mère de Camilla, Alice. Point de vue explique qu’Alice était une Écossaise, et qu’elle dût « se tourner vers la galanterie », comme Landru vers le crime, « pour améliorer les finances familiales », le mari étant O.K., bien sûr. Diane Souhami est moins sordide, elle écrit : « She used her sexual charm to further her social status ».

Étant donné que la maman, Alice Keppel, c’était tout pour le phalle, ravage ! Violet, sa fille aînée, n’a jamais plus voulu en entendre parler, et a mis les voiles pour Lesbos.

Diane a aussi écrit un livre sur le marin naufragé qui a servi de modèle à Daniel Defoe pour Robinson Crusoë. Il paraît qu’il a survécu sur son île en mangeant les chèvres qu’il baisait. Peut-être que Lorenz n’a pas tout dit.

Alice a capté Edward VII pendant dix ans et plus. Elle disait : « Mon métier est de faire la révérence et de sauter dans le lit ensuite. » La révérence, ça ne se fait plus beaucoup. Mon grand-père Massimo, qu’on appelle avec ma sœur Massimo Libido, a croisé des amants d’Alice dans sa jeunesse, et il dit : « Era una brava lavoratrice. » Mais c’est un tour de main non répertorié dans le bel album de Renaud Dutreil et érik Orsenna sur Le geste et la parole des métiers d’art, paru l’an dernier.

La fille cadette, Sonia, la grand-mère de Camilla, avait gardé  les cadeaux du roi à sa maman coutisane. Ils ont été vendus aux enchères, et Charles a racheté un diadème fabuleux pour l’offrir à Camilla. Cool !

Violet a épousé Denys Trefusis, par pure obligation sociale. Je pense qu’il était parent du fameux capitaine qui avait le nom le plus long de toute l’armée britannique, Léon Sextus Denys Oswolf Fraudati-filius Tollemache-Tollemache de Orellana Plantagenet Tollemache-Tollemache, mort au combat le 20 février 1917. Pour le reste, elle a été sa vie durant, ou presque, la maîtresse de Vita Sackville West.

Vita, quant à elle, avait épousé Harold Nicolson, le bien connu diplomate, ministre de Churchill et historien, aussi homo qu’elle était lesbienne. Il raconte dans son Journal la mort de sa femme, qu’il adorait. Ce sont des pages bouleversantes. On peut visiter la demeure qu’ils avaient achetée, restaurée, et où ils vivaient, Sissinghurst. Vita s’occupait avec un tendre soin du magnifique jardin.

Elle fut l’amie de Virginia Woolf, qui l’adorait aussi. Virginia l’a prise pour modèle dans Orlando, dont Nigel, le second fils d’Harold et Vita, a dit que c’était « la lettre d’amour la plus longue et la plus charmante de toute la littérature ».

Ce Nigel Nicolson a écrit un livre sur la vie conjugale de son papa et de sa maman, Portrait d’un mariage (1973), traduit chez Stock. On y trouve en particulier le journal secret de Vita. Elle essaye de comprendre les deux faces de sa personnalité, « my Dr. Jekyll and Mr. Hyde personality » : « brutal and hard and savage » côté cour, et, côté jardin « seraphic and childlike ». « Air connu des gougnottes », dit Aspasia, qui sait de quoi elle parle.  Vita prévoyait qu’à l’avenir, « les sexes se confondront plus ou moins en raison de leur ressemblance croissante ».

Violet, de son côté, laissait entendre qu’elle était la fille d’Edward VII. Selon Mamie, qui a bien connu François Mitterrand, « et même très, très bien », dit-elle, celui-ci trouvait à Violet, qu’il avait rencontrée à Florence où il allait assez souvent — on l’appelait « le Florentin » — un air de ressemblance avec le roi. Depuis l’outing de Mazarine, qui ressemble tellement à son papa, et qui maintenant raconte tout, ou presque, mais qui, à la différence de Diana ou de Stéphanie, n’est jamais tombée amoureuse de l’un de ses gardes du corps, comme le note le dernier VSD, on comprend mieux l’intérêt de l’homme d’État pour la supposée batârde royale. Cependant, la fille d’Edward, s’il y en avait une chez les Keppel, aurait plutôt été, de l’avis des experts, Sonia, la cadette.

Violet possédait à Florence la Villa dell’Ombrellino, sur la colline de Bellosguardo. Galilée y vécut ses plus belles années, de 1616 à 1631. Ugo Foscole y a écrit Le grazie. Violet y recevait Peggy Guggenheim, qui la recevait à Venise. J’aurais aimé être une petite souris.

ZADIE, WORLD MUSE

            Vogue, le dernier numéro, est à ne manquer sous aucun, aucun prétexte. Rare, orgasmique, pas chichi-gratin pour un sou.

            Steven Meisel, le top-photographe à la cote inoxydable, ne donne jamais d’interview. Il  se confie ici à Ingrid Sischy. Petit, il ne jouait pas avec ses cubes, il dessinait dessus. Devinez quoi ? Des femmes. Des femmes de sa famille. En CM, il feuilletait déjà Vogue et Harpers’Bazar. Au lycée, il était obsédé par les mannequins : « Elles étaient immenses, dépassaient d’une tête tous les gens dans la rue. » Aujourd’hui, elles se l’arrachent, elles sont à ses pieds. Moralité : quand on coïncide avec son désir d’enfant, on est imbattable, on est le meilleur.

            Palindromes, le nouveau film de Todd Solondz, explore les mystères de l’Amérique vus par les yeux d’Aviva, 12 ans : obligée d’avorter pas sa mère, elle se réfugie auprès de Mama Sunshine, chrétienne fondamentaliste. Le film sort le 9 mars. Anne-Sophie Janus-Miller, qui vient de brillamment soutenir sa thèse de cinéma à l’Université Paris VII, vous en parlera dès qu’elle aura cessé de voir le monde par les yeux de son poupon, neuf mois, qui a cessé de jouir comme un fou de sa propre image pour explorer le monde à quatre pattes.

            Zadie Smith a pris pension en Toscane chez Beatrice von Rezzori pour écrire au calme. Elle est présentée en gloire : « World Muse. Physique de top model et QI de surdouée, Zadie Smith est promue star des lettres anglaises à 25 ans. Mais sur les photos, l’auteur de Sourires de loup ne souriait pas. Pour un écrivain, le succès dérange. Très réussi, son dernier titre, L’Homme à l’autographe, fustige d’ailleurs la soif de célébrité. Signe de son talent : la belle fait son miel du temps. » Reçu chez elle, Manuel Carcassonne a noté : « une bibliothèque parfaitement rangée par ordre alphabétique, un thé fumant, un buste de la belle enturbannée façon Delacroix peignant l’Orient, ce qu’il faut de poussière et de désordre bohème. » Il en a conclu qu’il était bien chez un écrivain anglais. Le héros de L’Homme à l’autographe est juif et chinois. Il fait une courette de Londres à New York derrière Kitty, une actrice que l’on voit lire, comme le président Schreber, sa propre notice nécrologique : tout y est faux. À la fin, monte le chant du kaddish. « Slalomant entre l’alphabet hébraïque et la posture zen, la blague juive et la goy attitude, fustigeant notre appétit de célébrité, notre refus de grandir, intégrant au roman ses propres peurs, Zadie Smith dialogue ici avec l’infini. Elle s’engouffre dans le Talmud, le Pentateuque, le livre de Job. » On croirait Sollers. Zadie : « J’ai remporté le prix Jakob-Sonntag pour la mémoire juive. Je suis la seule goy à l’avoir eu. » Goy mon cul, dirait Zazie.

            En couverture, matez la go : un coup superbe, une Ukrainienne immigrée au Canada, Daria, la célébutante de l’an dernier, qui a déjà une poupée à son nom, mais blonde, chez Vogue collectibles (pour commander : (paula.prior@sympatico.ca), « en route pour la gloire. » Le désir est, paraît-il, de retour dans la politique française, mais dans la mode, il n’a jamais quitté l’affiche.

            Selon « Tendance » de Thomas Schreiber dans L’Europe Nouvelle de février, « on laisse entendre à Paris que 2005 sera marquée par un regain de notre présence dans cette partie du monde (l’Europe de l’est). »

LES nouveaux ICONOCLASTES

            Vogue a toujours un V sur la couverture, et pour cause. Quelle autre publication en a un ? Ne cherchez pas, c’est études. La « revue mensuelle fondée en 1856 par les Pères de la Compagnie de Jésus » se promet ainsi la Victoria. Devenue « revue de culture contemporaine », c’est la revue intellectuelle la plus vendue en France. N’empêche qu’elle est assez prout-prout au goût de Nina. Il faut de l’hyper-texte, sinon on n’entrave que couic. Pour faire enrager Maman, qui est Opus, je l’ai dit, Papa m’a menacé de me couper les vivres si je ne lui parlais pas chaque mois du numéro d’Études. Je lis dans le numéro 4022, de février 2005, que Pierre Sansot, auteur de La Beauté m’insupporte, Payot, 2004) invite à ne pas se conformer aux « modèles véhiculés par les puissants moyens de propagande dont disposent nos sociétés ». La daube ! Hyper-gol ! Et l’Église, mon chou, qu’est-ce que c’est ? Quand les Jésuites étaient couillus, ils savaient utiliser la beauté. Ça débogue rue d’Assas depuis que les nouveaux iconoclastes ont pris le pouvoir. Ignace, au secours !

« ELLE SEULE ÉTAIT AINSI CAMBRÉE »

            Du coup, jetez-vous sur l’essai des frères Wald Lasowski, DE la beauté des femmes. C’est pur. Quelques exemplaires sont encore disponibles chez Compagnie, rue des Écoles (ça date de 1994). « À Smyrne, le soir, la nature dort comme une courtisane fatiguée d’amour », écrit Chateaubriand. Rien que les citations valent les 10,67 € de l’emplette, et en plus le commentaire est bien. Balzac dans Ferragus : « Paris est une créature ; chaque homme, chaque fraction de maison est un lobe du tissu cellulaire de cette grande courtisane. » Un officier reconnaît une femme dans la rue à la cambrure de sa taille : « Ah ! certes, elle seule était ainsi cambrée ! Elle seule avait le secret de cette chaste démarche qui met en relief les beautés des formes les plus attrayantes. » Oui, le droit au secret de la démarche ! Intransmissible ! J’ai flashé sur l’abeille de La tentation de saint Antoine : « Ris donc, bel ermite ! Ris donc, je suis très gaie, tu verras ! Je pince de la lyre, je danse comme une abeille, et je sais une foule d’histoires toutes bonnes à raconter, plus divertissantes les unes que les autres. » Madame Bovary, c’est lui ; l’abeille à saint Antoine, c’est moi.

ANTHROPOLOGIE DES IMAGES

            Enjeux, le mensuel de l’économie, n° 210, février 2005 : je retiens les « signets » de François Ewald, séduisant professeur au Conservatoire des Arts et Métiers. « Sommes-nous tous des idolâtres ? », demande le mignon savant. « Le visuel est partout dans la civilisation. Résister et se défier des images ? Obéir à Moïse et briser les idoles ? Nous libérer, avec Platon, des chaînes qui nous retiennent dans la caverne ? Peut-on imaginer une humanité sans images ? » Il conseille de lire l’Anthropologie des images, de Hans Belting. Notre rapport aux images,  notre critique des images ? Un moment récent dans une histoire extraordinairement riche. Les images ne sont pas d’abord des ressemblances, mais des signifiants dans les rituels où se construit notre rapport au corps et à la mort. C’est ça. Autant et plus que Veritatis Splendor, la splendeur des corps prépare à Dieu, sans parler de leur décrépitude (voir La vie du 3 mars, « Son dernier combat ».) La mode, c’est notre baroque. Voir, de Lacan, Encore, chapitre 9. Les abribus aux filles in the buff, ce sont nos calvaires. Dans le numéro de mars, un autre mignon, Antoine, Gallimard de son nom.

« TUTTE LE GRIFFE À LA PAGE »

 

MARIECLAIRE, n° 3, marzo 2005 : à peine lancé par Vera Montanari, le Marieclaire (en un mot) italien explose pleine pêche, avec les plus belles filles, et des pubs qu’on ne voit que là. Vraiment international, 712 pages. La 712ème est l’oroscopo. Je regarde mon signe, Bilancia : « Punto debole. La tendenza a lasciarsi andare al lato piacevole della vita potrebbe allontanarvi da impegnie che richiedono coscienza e senso del dovere. » Certo. Ma il senso del dovere senza il senso del piacere, ça donne quelque chose dans le genre du Devoir, de Montréal : pas vraiment Marta Matteini écrit dans son charmant « éloge de la gentillesse » : « Pensare e agire con il cuore fa bene al corpo e allo spirito. » On apprend que l’Agence spatiale européenne prépare un smart-bra, « basato sull’ultima tecnologia avvenniristica, fatto in fibre molto elastiche, già utilizzate per la tutte degli astranauti ». On apprend aussi le succès de la boutique d’Eleonora Sermoneta, 97, via del Babuino à Rome : « Si va per trovare tutte le griffe à la page. Esaltano la silhouette. La cognata del Sultano del Brunei è venuta da noi verso la mezzanotte e se n’è andata alle sei del mattino .» Une visite « creativo-mondana » à New York, une autre au « Ritmo Madrid ». Des dossiers sur et avec : David Hockney, Jonathan Safran Foer, et Nick Laird, le mari de Zadie, qui essaye d’exister. Stefania Moro met en garde contre « l’anoressia sessuale ». Attention, dangereux pour la santé. LA CHASTETÉ TUE.

 

 

FAIM DE FEMME

ANOREXIA ENQUÊTE SUR L’EXPÉRIENCE DE LA FAIM, Albin Michel, 2005 : le sujet nous intéresse pas, car féminité = faminité, comme le montre Jean-Philippe de Tonnac. C’est le livre le plus gai sur le mal le plus triste, bien dans l’esprit du Nouvel Âne : « Tout est pour le mieux dans le pire des mondes possibles. » On sent l’expérience vécue. Elle est ici relevée d’une érudition étourdissante. Caroline Bynum invite à resituer le jeûne au Moyen-Âge dans un ensemble de comportements destinés à agresser la chair. « Les femmes, écrit-elle, en acceptant leur image d’être charnels, trouvaient dans le jeûne et d’autres formes d’ascèse des armes pour vaincre la chair. Elles recouraient à un jeûne presque total, à d’autres formes extrêmes d’automutilation, pour tenter de s’élever au niveau de l’esprit, et devenir ainsi, métaphoriquement, des hommes. » Quand on a compris le « pas-tout » de Lacan, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi morganer du rien est le nec plus ultra du féminin. Signé Nina.

Utopie de l’utérus

L’utérus artificiel d’Henri Atlan (Seuil, mars 2005, dans « La librairie du XXIe siècle » de Maurice Olender est un exercice vraiment swiftien de science-fiction. Après le primat du phallus, l’esprit démocratique et individualiste contemporain, le tout-à-l’ego, s’en prend au privilège du bébé. Pourquoi les filles seraient-elles seules à procréer ? Un nouvel objet technique, l’utérus artificiel, permet de corriger les vues décidément biaisées du Créateur. Les messieurs pourront satisfaire leur « désir d’enfant ». Cette donnée est à peine fantastique. Atlan examine « les retombées sociales, culturelles, économiques, politiques, religieuses, voire métaphysiques de cette nouvelle technique ».  Cette utopie inspirée vaut tous les Walden Two (de B. F. Skinner, 1948). La traduction française est annoncée ce mois-ci aux éditions In Press. Un colloque était prévu pour le lancement, le 12 mars à l’Espace Cardin : « faute de participants », il a été annulé.

« Pregnancy exclusive »

            OK, first for celebrity news, met à l’affiche son Pregnancy exclusive : Queen Jordan, enceinte de cinq mois, fait la une. Une horreur ! Peter lui embrasse le bedon, elle a des airbags énormes, et le visage complètement refait, comme celui de Chéri-Bibi, ou encore  de Carla Bruni, selon Justine Lévy, sauf que c’est de travers et que ça se voit. Elle aurait mieux fait d’utiliser l’utérus artificiel d’Atlan, s’il existait. D’ailleurs, tout le monde est moche et mal photographié dans le numéro. Il faut croire que la beauté les insupportent.. L’utérus artificiel, ce serait formidable pour garder la ligne. Pour les grenouilles qui tiendraient au polichinelle dans le tiroir, lire dans Public de la semaine les pages sur « Ventres plats, tous les secrets des stars ».

L’INSERM EN PINCE POUR NOS CUISSES

Plus sérieux, le « Spécial Maigrir » de Elle, qui annonce « Fondre d’où je veux, comme je veux ». Comme c’est bien dit. Bravo, la Sandra ! C’est ma clone faisant l’éditing de la couv, en général. Pages 182-185, Emmanuelle Demarest décrit « les coulisses des labos » et le « casting des molécules antigras » avec une plume allumée. Lire le détail des tests que les crèmes amincissantes doivent passer « avant d’être étalées sur nos cuisses ». Partenariat avec le CNRS et avec l’INSERM, échographie, projection de Franges , « qui transforme votre cuisse en paysage de moyenne montagne », laser Doppler, résonance magnétique, mesure de la propagation d’ondes acoustiques dans la peau — bref, à côté, l’évaluation sur des psychothérapies par l’Inserm, c’est gnognotte de chez Gnognotte ! À lire aussi « Aujourd’hui, le couple est en crise perpétuelle », l’entretien, qui déménage, de Pascal Bruckner, que j’adore, avec un petit gars qui ira loin, Philippe Trétiack, qui parle de saint Sébastien comme de « l’idole goy par excellence », et du « cliché de la gentille pute ». Quant à Monica. Bellucci, plus du tout « bellissima » pour l’instant, elle a pris au moins dix kilos, et illustre sur la couv le désastre avant le maigrir spécial. Elle croit que la maternité lui a donné « une force énorme », elle lui a surtout donné du bide. Du coup, c’est le véhicule idéal pour « l’esprit baba chic, la tunique en voile de coton », et autres fanfreluches que nous aimerons bientôt comme une seule femme. Elle a sa chance : selon Stratégies de la semaine, « le marché des mannequins seniors explose ». Pourquoi toute la débauche de pub pour nous masser notre Massenpsychologie, les filles ? Parce que « La femme n’existe pas », bien sûr, et qu’elle est « pas-toute », pour sûr. Pour nous faire désirer et acheter à toutes en même temps le même futile ustensile, il faut en mettre un coup pour La faire exister, le temps de casquer. Merci, Publicis ! Mode et pub restent la poésie des temps post-modernes après avoir enchanté les temps modernes. Cher Charles B. ! Femme qui n’existe pas, toujours tu chériras la pub ! Salut, Stéphane M. ! Telle qu’en elle même l’Éternité ne la changer pas, toujours tu chériras la mode ! Et tant pis si on me gueule !

 

 

Zazie : « Son cul, Mon cul »

 

Ten, dernier numéro paru, novembre 2004 : le littéraire est faible, le gossip éventé. Comme elle l’explique dans son édito, la pauvre Sophie Neophito-Apostolou a perdu toute son équipe d’un coup ! Si ça arrivait à Agnès, il ne lui resterait plus qu’à me photographier ! Quand tu veux, ma choute, je tiens la forme et suis bellissima mieux que la Monica. Mais le numéro vaut la peine rien que pour les photos de la sublime Rianne, la plus belle chute de reins du mannequinat international. On pense à Murat, qui entraînait derrière lui ses cavaliers aux cris de : « Mon derrière est rond ! Il est tout rond » (historique). Mettez Rianne sur un cheval, Murat n’aurait qu’à bien se tenir, Zazie en avalerait son Mon cu. On regrette à le voir de n’être pas un homme, comme disait mon amie Michou pâmée devant Vanessa, ma chouette cousine croate. Daria Werbowy contre Rianne Ten Haken, le match de demain.

LE LANGAGE DES TÊTONS

            MENTAL, Revue Internationale de Santé Mentale et Psychanalyse appliquée, : le dernier numéro, de mars 2005, s’ouvre sur une « fantaisie » de Jacques-Alain Miller, prononcée à Commandatuba-Bahia, au Brésil, en août dernier. « L’inconscient n’existe pas, explique l’inventeur du Nouvel Âne. Pour le faire exister, il faut l’amour. » Yo, man ! Hot ! Fun ! Arrête pas tes fourmis, surtout ! Quand on me commence, il faut me finir ! je dois rendre ma copie à Agnès, plus le temps de vous parler du « Langage des têtons » et des « Lettres de Vincent Voiture », avec des préfaces de Bertrand Galimard Flavigny et Jacques Damade. Achetez ce bijou de galanterie précieuse aux éditions de La Bibliothèque, 9, rue du Docteur-Heulin, Paris. Voiture écrit : « Je ne vous cèle point que je serais bien surpris d’entendre parler des têtons ; mais peut-être aussi que je le serais davantage de ne rien ouîr du tout… »

Paris, le 9 mars 2005

Livres

            Anonyme, Le langage des tétons et Lettres de Vincent Voiture, La Bibliothèque, janvier 2005

Atlan, Henri, L’utérus artificiel, Seuil, mars 2005

Belting, Hans, Anthropologie des images, Galliamard, 2005

            Bynum Carolyn, Jeûnes et festins sacrés. Les femmes et la nourriture dans la spiritualité médiévale, traduit de l’américain par Claire Forestier Pergnier et Éliane Utudjian Saint-André, Paris, Le Cerf, 1994.

Dutreil, Renaud et Orsenna, Érik, Le geste et la parole des métiers d’art, Le Cherche-Midi, 2004.

Nicolson, Nigel, Portrait of a Marriage : Vita Sackville-West and Harold Nicolson, rééd. The University of Chicago Press, 1998

Sansot, Pierre, La Beauté m’insupporte, Payot, 2004

Souhami Diane, Alice Keppel and her daughter, St. Martin’s Press, 1998 ; Selkirk’s Island: The True and Strange Adventures of the Real Robinson Crusoe, Harvest/HBJ Book, 2002.

Tonnac, Jean-Philippe de, Anorexia. Enquête sur l’expérience de la faim, Albin Michel, 2005

Wald Lasowski, De la beauté des femmes, Gallimard, 1994

Magazines

Elle, n°3088, du 7 mars 2005, « Spécial maigrir »

L’EUROPE NOUVELLE, n°8, février 2005, « Soif de démocratie, désir

            d’Europe »

MARIECLAIRE Italie, n° 3, marzo 2005

MENTAL, Revue Internationale de Santé Mentale et Psychanalyse appliquée,

n° 15, février 2005, « La psychanalyse appliquée à tous les âges »

OK, first for celebrity news, n° 459 du 8 mars 2005, « Pregnancy

Spécial »

Point de vue, n° 2953, 23 février-1er mars 2005, « Qui est Camilla ? »

PubliC, n° 86, du 7 au 13 mars 2005, « Ventres plats, tous les secrets des stars »

Stratégies, n°1359, du 3/3/05 au 9/3/05, « La guerre des jeunes »

Tennovembre 2004, « Rock Gossips »

La vie, n°3105, du 3 mars 2005, « Son dernier combat »

Vogue, n° 855, mars 2005, « Spécial Top Models »

VSD, n° 1436, du 3 au 9 mars 2005, « Je ne laisserai personne salir notre

bonheur »

Message perso : quelqu’un peut-il me donner le mail d’Ariane de Rosmorduc ? J’ai perdu Ariane à la 50ème foire des Antiquaires de Bruxelles, entre le petit blouson blanc de l’archiduchesse Rodolphe et le petit blouson marron de la baronne Vicq de Cumptich.

NINA (FIN) page 14, colonne 2

Ma Bible. Pourquoi les femmes sont-elles regardées et scrutées, et par les hommes, et par les femmes ? Lire Encore, de Lacan. Fashionistas. Dans le supplément de Time magazine de cette semaine : “From silver slides in Sao Paulo to studded sandals in Singapore, here are the snazzy shoes that fashionistas can’t live without.“ Nostalgie : Rebecca West célébrée par Christine de Rivoyre en 1955 (Le Monde du 11 mars). Jockey. On se demande pourquoi Sollers va au Jockey-Club, alors que les filles pleurent qu’on ne le voit jamais au pied des passerelles : au Jockey, les plus belles filles sont les pouliches, et ça ne s’enfile pas comme des chèvres. Le Monde : la page “Psychologies“ est à chier ; la page “Styles“, cool. Anne-Laure Quilleriet sur le défilé de Stefano Pilato pour Saint-Laurent : “On passe du Journal d’une femme de chambre de Bunuel à la procession des évêques de Fellini Roma, évoqués par les robes de gouvernantes à col montant, les empiècements en forme de croix sur les jupes, les blouses en coton amidonné ou la robe conique en jacquard doré. Les silhouettes ceinturées de cuir confirment son goût pour les tailles marquées et les jambes interminables.“ Ma consœur souligne que «“’identité des marques historiques n’a jamais suscité autant d’interrogations“. Oui, comme dans la psychanalyse. Diogène se retourne dans son tonneau avec la Veuve Poignet, à voir que le numéro 208, paru en janvier, affiche la question “Combien de sexes ?“, et répond : “Varius multiplex multiformis.“. La flèche du Barthes : la mode du système est passé, le système de la mode est toujours là.  — 13 mars 2005

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