HIBERNATUS… Que retient-on de la pensée de Jacques Lacan trente ans après sa mort à l’écoute de La Grande Table sur France-Culture ce jeudi 8 septembre 2011 ? Les invités : Catherine Clément,  anthropologue, Roland Castro, architecte, Pascal Ory, professeur d’histoire à la Sorbonne et à l’EHESS. Aucun psychanalyste donc. Catherine Clément a résolument tenté néanmoins de transmettre rapidement en quoi avait pu consister l’apport de Jacques Lacan à la psychanalyse, de par son retour à Freud contre la psychanalyse à l’américaine, de faire valoir en quel sens sa conception de l’amour avait donné un sens profond à cette expérience aussi bien dans l’existence que dans la cure, et c’est non sans mal qu’elle a accompli l’exploit de citer Vie de Lacan de Jacques-Alain Miller, ouvrage au sein duquel on pouvait, disait-elle, saisir le rapport singulier de Lacan au désir, alors que Castro s’apprêtait, soutenu par l’animateur à faire la promotion de la biographie d’Elisabeth Roudinesco. Bravo ! Ce n’était pas gagné. Le nom de Jacques-Alain Miller a donc été prononcé. Léger malaise, personne ne reprend.

C’est alors que, pour poursuivre sur ce rapport au désir, le même Castro évoque une anecdote venant de Caillois : Lacan, lors d’un repas à l’ambassade de France au Japon, se serait servi toutes les truffes qui restaient sur l’assiette sans en laisser aux autres (après que les dames aient pu elles-mêmes se servir, bien sûr). Cela s’appelle selon lui « ne pas céder sur son désir »… Encore un qui n’y pige couic.

Aux questions de Raphaël Bourgois tentant d’évoquer Lacan comme un gourou, Catherine Clément parvient là encore à montrer qu’il ne s’agit nullement de cela, au sens où il n’y avait pas d’emprise de Lacan sur les autres. Mais Roland Castro tient tout de même à propos de mai 68 à évoquer « les malades mentaux de la gauche prolétarienne, notamment… », il s’interrompt. Catherine Clément l’invite à poursuivre, « notamment Jacques-Alain Miller, Gérard Miller, Serge July », pour dire que le discours psychanalytique a joué un rôle dans le fait qu’il n’y ait pas eu de dérive brigadiste en France.

Deuxième évocation du nom de Jacques-Alain Miller, donc. Le seul qui a mentionné son analyse est ainsi aussi le seul à avoir parlé aussi vulgairement de Lacan, et de façon aussi diffamatoire de Jacques-Alain Miller. Drôle de choix de la part de France-Culture.

Et enfin, dernière évocation du grand absent de cette rencontre autour de la pensée de Lacan trente ans après. JAM est cité une troisième fois par Pascal Ory, qui a rappelé au passage que lui n’était ni lacanien, ni analyste, ni analysé, (pourquoi alors l’avoir choisi lui aussi ?) pour évoquer « le canonique Jacques-Alain Miller, qui a dit le désir, c’est la loi ».

La dernière question sur la postérité de la pensée de Lacan n’a cependant donné l’idée à personne de citer le travail d’établissement du Séminaire par Jacques-Alain Miller, son enseignement sur L’Orientation lacanienne en psychanalyse, l’Association Mondiale de psychanalyse qu’il a créée. On a le sentiment que certains, comme Louis de Funes dans Hibernatus, sont restés congelés dans une autre époque, ignorant ce qui s’est passé depuis trente ans, ignorant le travail de transmission et de renouvellement dont est à l’origine non pas tant quelqu’un de canonique que quelqu’un qui consacre sa vie à transmettre cet élan.

 

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