Vous trouverez dans le programme que l’on vous remettra à l’entrée de la salle où vous allez voir Victor ou les enfants au pouvoir (jusqu’au 26 mars 2012, Théâtre de la Ville, Paris) tout ce que vous voudrez savoir sur la pièce et son auteur. Je veux seulement dire ici mon admiration pour la mise en scène d’une œuvre que j’avais déjà vue deux fois représentée sans qu’elle m’ait laissé d’autre impression que celui d’une résurrection manquée, donnant à  penser que le texte avait irrémédiablement vieilli. Et – n’est pas metteur en scène qui veut – la relecture de la pièce n’avait pu venir à bout de ce sentiment.

            C’était compter sans la lecture d’Emmanuel Demarcy-Mota qui a su montrer Victor visionnaire et porteur de tout ce que nous ne savions pas que nous avions vécu à ce point, même sachant d’un savoir devenu inutile et encombrant qu’un enfant meurt s’il ne peut « tuer » ses parents. L’édulcoration, la résorption dans la « culture » du message freudien, qui avait repris les choses et relancé l’aventure en osant construire le mythe du meurtre du père, nous reviennent – aujourd’hui que « la psychanalyse » est rejetée – avec l’incarnation sardonique de l’enfant qui échoue à se survivre et s’achève pour ne pas mourir dans un monde qui fout le camp et s’en fout, réduit au quatuor de vaudeville de géniteurs malgré eux complété d’un général que Genêt n’eût pas désavoué, confondus les uns dans leur triste chair fauteuse d’une progéniture vouée à s’autoconsumer, traversés les autres par l’inceste et la folie seule à tenir la mort en respect.

            Une analyse magistrale – « Terrible comme l’enfant » –, précédant « Eléments pour des portraits d’acteurs », dus à la plume avertie et inspirée de François Regnault (conseilleur artistique du spectacle) situe l’enjeu actuel de ce théâtre scandaleux au sens le plus noble de ce terme.

            Cela tient à une « maîtrise d’ouvrage » époustouflante, un sens du rythme et du mouvement qui font que l’espace soudain et d’un souffle constant respire, pulse et brise les minces parois transparentes qui le structurent, ne laissant au texte que la fonction d’animer les échanges impossibles entre les protagonistes, sans s’attarder à aucun effet. Pris comme vous l’aurez été dans l’action théâtrale pure, qui supplée à l’impossibilité d’aucun acte, sinon le crime contre la vie même, vous n’aurez plus d’autre choix que celui de reprendre le texte, chez vous, en rentrant. Beau programme…

            Un renouveau, donc, à tous égards inouï, et inoubliable.

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