C’est une litanie, reprise en boucle dans la presse :

 • « Unfortunately, the nation has made slim progress on that front. In 2006, the median age of diagnosis was four-and-a-half years. In 2008 it was four years – an age when experts say is too late for interventions to do all the good they would if begun earlier ». (Reuters)(1)

• « Le dépistage reste trop tardif et 40% des cas diagnostiqués continuent d’intervenir autour de quatre ans et plus, avec encore 40% des enfants diagnostiqués après 4 ans ». (AFP)(2)

•  « On diagnostique davantage d’enfants à un âge précoce – un nombre croissant (18%) d’entre eux l’étant avant 3 ans. Pourtant, la plupart des enfants ne sont pas diagnostiqués avant 4 ans. (…) Le diagnostic étant beaucoup plus tardif pour les enfants atteints du syndrome d’Asperger (6 ans, 3 mois ) ». (CDC américains) (3).

Il faut décoder ces articles, qui se succèdent en se répétant, comme des perroquets. « Encore 40% d’autistes diagnostiqués après 4 ans » : derrière cette lamentation, il y a l’insinuation d’un temps précieux que perdraient des centaines de milliers d’autistes en attente de la précieuse nomination. Ce vœu d’un meilleur diagnostic précoce est immanquablement associé à l’idée que les enfants non diagnostiqués ont été privés des bienfaits de ces méthodes modernes qui assurent des « résultats réels » (sous-entendu : par opposition aux résultats en toc des « méthodes dépassées » et « non consensuelles »)

La psychanalyse dépisterait tardivement l’autisme.? Rien n’est plus inexact. Dans le secteur de la Petite Enfance – en crèche, pouponnière… – les psychologues dépistent, orientent et accompagnent régulièrement des enfants présentant des tableaux autistiques plus ou moins prononcés. Et pourtant, nous faisons probablement chuter les statistiques en évitant de les figer trop vite sous l’étiquette d’« autisme ». Et pour cause ! Chez les jeunes enfants, la position psychique n’est pas fixée, elle reste très labile et des remaniements impressionnants peuvent survenir. Ces enfants nous ménagent bien des surprises. Il n’est pas exceptionnel qu’un tout-petit pour lesquels nous nous étions beaucoup inquiétés s’empare de la présence active qui lui est offerte et soudain quitte sa position de repli, pour bifurquer vers les apprentissages, se mettre à parler, entrer dans le lien.

Evidemment que nous sommes d’accord avec un dépistage précoce ! Nous le faisons. Et d’une main sûre. Car avec les outils de la psychanalyse, un autisme précoce se diagnostique facilement. C’est au-delà de ce BA-BA diagnostique que commence ce qui est vraiment important : soit la rencontre avec cet enfant-là, rendue possible si l’on aborde l’autisme en « ne comparant cet enfant qu’à lui-même », selon l’heureuse formule de Sonia Chiriaco (4).

Bien à vous,

Armelle Gaydon

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 (1Malheureusement, dans ce domaine les progrès sont minces. En 2006, l’âge médian du diagnostic était de quatre ans et demi. En 2008, elle était de quatre ans – un âge où les experts disent que c’est trop tard pour que des interventions aussi efficaces que si elles avaient commencé plus tôt. .[Je traduis] Source : Reuters, 29 mars 2012/

(2) AFP, Agence France Presse, 29 mars 2012.

(3) « More children are being diagnosed at earlier ages—a growing number (18%) of them by age 3. Still, most children are not diagnosed until after they reach age 4. Diagnosis is a bit earlier for children with autistic disorder (4 years) than for children with the more broadly-defined autism spectrum diagnoses (4 years, 5 months), and diagnosis is much later for children with Asperger Disorder (6 years, 3 months)”. Source: statistiques des autorités sanitaires américaines publiées le 29 mars 2012 par les Centres fédéraux de contrôle et de prévention des maladies (CDC). http://www.cdc.gov/ncbddd/autism/data.html

(4)  Autisme et psychanalyse, « Ne le comparez qu’à lui-même », par Sonia Chiriaco, Lacan Quotidien, n°188, 29 mars 2012

 

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