AGENDA BALZACIEN À L’ENS par Laure Naveau

« …des choses à faire » : prendre la plume.
« C’est vous, par votre présence, qui faites que j’ai enseigné quelque chose », énonçait Jacques Lacan, à Caracas, en 1980, pour conclure son Séminaire. Cette nuit, à l’ENS, il y avait « notre » présence, plusieurs générations d’auditeurs, qui donnaient aussi ce poids à l’allocution de Jacques-Alain Miller. Des Mille et Une résonances de celle-ci, une me fut soufflée par mon fils, L., 26 ans, qui désirait être là pour cette nuit spéciale Lacan, et qui en fut favorablement impressionné : la colère de Jacques-Alain Miller, sur l’effacement de son nom propre. La justesse de cette colère a fait surgir en moi un nouveau moment de conclure, balzacien. « Balzacien », j’ai attrapé le mot au vol. Car Balzac, j’essaye de lui être fidèle. Dans la quatrième de couverture du petit fascicule turquoise, intitulé « La psychanalyse au miroir de Balzac », et relatant la table ronde qui avait eu lieu à Saché sur ce que Balzac apprend à des psychanalystes, et comment Balzac éclaire la psychanalyse , on peut lire ces propos de Jacques-Alain Miller, commentant la dédicace de La Rabouilleuse : « (La Comédie humaine), c’est le malaise dans la civilisation tel qu’on peut le percevoir quand on est un génie, dans le premier tiers du XIXème siècle(…). Un effort passionné pour restaurer le Nom-du-Père, pour en démontrer la nécessité par rapport au pouvoir de l’argent. Nom-du-Père contre plus-value. Le règne de l’objet a commence, il emporte la digue du Nom-du-Père. Balzac rêve de la relever. »
Aujourd’hui, nous y sommes. Je considère cette fureur héroïque de Jacques-Alain Miller relative à l’effacement de son nom propre, et au ravalement contemporain de la pensée de Lacan, au profit de manœuvres mercantiles honteuses, ainsi que d’auto-promotion d’un nom qui n’a aucun mérite (celui de « l’historienne de la psychanalyse »), comme une invitation à s’insurger contre cet envers de la vie contemporaine très balzacien.
​Une invitation à mettre en acte ce que Leonardo Gorostiza, l’actuel Président de l’Association Mondiale de Psychanalyse, définit comme « un nouvel ordre du discours », le discours analytique, inventé par Freud, et ordonné par Lacan. Ce nouvel ordre du discours ne se confond, écrit Leonardo (dans Hurry up ! n°3), avec aucun ordre de fer de l’époque, ni avec l’ordre du Nom-du-Père, ou sa restauration à la manière de Balzac. Mais, précise-t-il, il a la vertu d’articuler les éléments, partout ailleurs disjoints (fonctionnement affine à celui de la psychose ). La force essentielle du discours analytique réside alors dans le fait « de ne pas entretenir une relation de méconnaissance avec le réel .
Cette nuit, ce réel, Jacques-Alain Miller nous a montré, en acte, le devoir de l’affronter, si nous voulons être à la hauteur de notre tache. C’est notre agenda lacanien du XXIème siècle.

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