Le père était content de régner sur son émirat de bras cassés. « Charbonnier maître chez soi », son ambition n’allait pas au-delà. Fachos, collabos, cathos tradis, néo-païens, monarchistes, négationnistes, OAS, plus un carré de Waffen SS pour égayer le tout, ce patchwork de tribus dépareillées ne tenait qu’à un fil : il fallait de temps en temps le ravauder d’un mot d’esprit faisant fonction de pogrom. On s’indignait. Cependant, nulle menée subversive ; le choix exclusif de la voie parlementaire ; et, pour être sûr d’être battu, la pratique de l’outrance et de l’outrage. Cet homme si brutal mais plein d’afféterie, qui usait comme personne de l’imparfait du subjonctif, était en somme un cas assez pur de masochisme politique. D’ailleurs, jouer la victime, il adorait ça. Mitterrand le jugeait inoffensif. « Un diable de confort », dit joliment Mélenchon.

Sur ce, arrive la fille du diable. « Dédiaboliser », dit-elle, enveloppée dans sa blondeur. Exorcisme immédiat. L’odor di femina chasse l’odeur de souffre. Là où le père grinçait, grimaçait, crachait le feu, Biondetta flashe un sourire vainqueur. En 2007, le vieux, terré dans sa forteresse, voyait, impuissant, son fief ravagé ; la fille est d’une autre trempe : elle ne s’enferme pas, elle galope, elle caracole ; l’allusion antisémite, apanage de famille, elle l’abandonne derrière elle, à des écervelés qui s’en barbouillent ; elle multiplie les razzias, à gauche comme à droite, s’empare de positions névralgiques tombées en déshérence, plante son drapeau sur les fondamentaux de la République, passe partout, attrape tout. Là, pulse une volonté de puissance qui ne fléchit ni ne dérape.

Nul n’en doute : gouverner le pays, elle le veut pour de vrai, alors que papa faisait semblant. Elle n’est pas crédible ? Elle le sera. Des experts lui manquent ? Ils lui viendront. Des aspérités ? Elle les rabotera. Sa xénophobie ? Indexée sur les sondages. Sa filiation, un handicap ? Déjà elle a largué son patronyme ; demain, ce sera le nom du parti ; le voyage à Jérusalem, qu’elle fera dès que possible, lui servira de savonnette à vilain.

Reste un détail : son pied fourchu. Elle attend pour le montrer d’avoir autour du cou le Grand Collier de la Légion d’honneur.

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