JACQUES-ALAIN MILLER, La fille du diable
Le père était content de régner sur son émirat de bras cassés. « Charbonnier maître chez soi », son ambition n’allait pas au-delà. Fachos, collabos, cathos tradis, néo-païens, monarchistes, négationnistes, OAS, plus un carré de Waffen SS pour égayer le tout, ce patchwork de tribus dépareillées ne tenait qu’à un fil : il fallait de temps en temps le ravauder d’un mot d’esprit faisant fonction de pogrom. On s’indignait. Cependant, nulle menée subversive ; le choix exclusif de la voie parlementaire ; et, pour être sûr d’être battu, la pratique de l’outrance et de l’outrage. Cet homme si brutal mais plein d’afféterie, qui usait comme personne de l’imparfait du subjonctif, était en somme un cas assez pur de masochisme politique. D’ailleurs, jouer la victime, il adorait ça. Mitterrand le jugeait inoffensif. « Un diable de confort », dit joliment Mélenchon.
Sur ce, arrive la fille du diable. « Dédiaboliser », dit-elle, enveloppée dans sa blondeur. Exorcisme immédiat. L’odor di femina chasse l’odeur de souffre. Là où le père grinçait, grimaçait, crachait le feu, Biondetta flashe un sourire vainqueur. En 2007, le vieux, terré dans sa forteresse, voyait, impuissant, son fief ravagé ; la fille est d’une autre trempe : elle ne s’enferme pas, elle galope, elle caracole ; l’allusion antisémite, apanage de famille, elle l’abandonne derrière elle, à des écervelés qui s’en barbouillent ; elle multiplie les razzias, à gauche comme à droite, s’empare de positions névralgiques tombées en déshérence, plante son drapeau sur les fondamentaux de la République, passe partout, attrape tout. Là, pulse une volonté de puissance qui ne fléchit ni ne dérape.
Nul n’en doute : gouverner le pays, elle le veut pour de vrai, alors que papa faisait semblant. Elle n’est pas crédible ? Elle le sera. Des experts lui manquent ? Ils lui viendront. Des aspérités ? Elle les rabotera. Sa xénophobie ? Indexée sur les sondages. Sa filiation, un handicap ? Déjà elle a largué son patronyme ; demain, ce sera le nom du parti ; le voyage à Jérusalem, qu’elle fera dès que possible, lui servira de savonnette à vilain.
Reste un détail : son pied fourchu. Elle attend pour le montrer d’avoir autour du cou le Grand Collier de la Légion d’honneur.
APPEL DES PSYS CONTRE MARINE LE PEN
Twitter Lacanquotidien
RAFAH EST LIBRE !
Lacan Quotidien Archives
Lacan Quotidien Derniers Numéros
- Lacan Quotidien n° 932 – Fumaroli : la dernière leçon
- Lacan Quotidien n° 931 – « GreekJew is JewGreek » – Joyce, Ulysses
- Lacan Quotidien n° 929
- Lacan Quotidien n° 928 – 2021 Année Trans
- Lacan Quotidien n° 927 – Éric Marty et Jacques-Alain Miller – Entretien sur « Le sexe des Modernes » – Document – Lyon va adopter un budget genré
- Lacan Quotidien n° 926 – Sexualités et symptôme : refoulement, forclusion et démenti par Agnès Aflalo – La loi forclôt l’interpretation par Ricardo Seldes – Sur un article de J. Chamorro par Ramiro Tejo, réponse de Jorge Chamorro – J’entends des voix qui me parlent, film de Gérard Miller et Anaïs Feuillette
- Lacan Quotidien n° 925 – OURAGAN SUR LE « GENDER » ! par Jacques-Alain Miller – D’une époque sans nom par Christiane Alberti – La parodia de los sexos y la ley par Neus Carbonell
- Lacan Quotidien n° 924 – Que par la voie logique par Lilia Mahjoub – Crispr lalangue, crispr lenguaje par Marco Mauas – Una ley revelada par Silvia Baudini – Le Zeitgeist et ses courants : sinthome ou fake news par Pascal Pernot
- Lacan Quotidien n° 923 – Point de capiton par M. Bassols – Politique lacanienne, aujourd’hui et demain par P.-G. Guéguen – De la corrección política y sus vigilantes par L. Seguí – Espagne : la loi sur la transidentité divise les féministes par Diane Cambon pour Marianne
- Lacan Quotidien n° 922 – Monique Wittig, le pouvoir des mots par Deborah Gutermann-Jacquet – Scilicet, donc woke ou lom sans divertissement par Nathalie Georges-Lambrichs – Las seducciones de la voluntad y de la libertad par Jorge Chamorro