Le film de Steve McQueen, intitulé Shame (La Honte)  n’est certainement pas à conseiller aux familles avec des enfants mineurs. La preuve en est son classement NC17 par la censure cinématographique américaine, ce qui correspond à peu près au classement X existant en France pour les films « pornos ». Or, loin d’être un film obscène, Shame est, comme l’écrit la critique de cinéma Liz Braun, « le film antisex des films de sexe » (1), malgré l’omniprésence des sites pornographiques dans la vie de son personnage central, le nommé Brandon (magistralement joué par l’acteur Michael Fassbander). Tout ce qui concerne le sexe  n’est traité ici qu’au deuxième degré, par une sorte de mise en abîme qui crée une distanciation entre le spectateur et les images les plus sexuelles. Ce film a été nominé pour sept prix aux British Independent Films et a fait partie des finalistes du Film Independant Awards, aux États-Unis. De toute façon, le duo formé par Steve McQueen et Michael Fassbander avait déjà gagné l’admiration de la critique et du public dès leur premier film, Hunger, qui mettait en scène l’agonie du républicain irlandais Bobby Sands et qui a obtenu à Cannes le prix de la Caméra d’Or en 2008. Enfin, S. McQueen a eu avec Shame plusieurs prix au Festival de Cannes 2011. M. Fassbander de son côté obtenait pour son rôle de Brandon le prix d’interprétation masculine au Festival de Venise. S. McQueen se présente aussi avec ses distinctions d’Officier et de Commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique (décernées pour son film sur le gréviste de la faim Bobby Sands), comme si ces titres écartaient tout soupçon de caractère subversif ou sulfureux. Cet affichage n’atteste pas en soi de la bonne moralité de l’auteur mais témoigne de son respect pour les semblants.
Que dire du personnage de Brandon ? En apparence, il est un malade « d’addiction sexuelle », comme on les appelle maintenant, qui se livre à une activité érotique permanente. Le sexe est effectivement omniprésent dans sa vie quotidienne : ça commence par la masturbation du matin quand il prend sa douche, ça se poursuit quand il visionne les sites pornographiques sur son lieu de travail, ça continue avec les nombreuses partenaires qu’il « drague » à la sortie de son bureau, dans la rue, dans les bars, pendant le trajet de métro entre son appartement et son bureau. Malgré son hyperactivité sexuelle, c’est un homme seul, malheureux dont la vie va être chamboulée par l’intrusion dans son intimité d’une femme, sa sœur Sissy, qui le surprend dans son activité autoérotique et déclenche l’affect de la honte, entraînant Brandon dans une souffrance subjective qui le submerge et lui révèle progressivement la face mortifère de la jouissance de l’Un sans l’Autre (2).

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(1) Braun L., « Steve McQueen décortique la honte »,  in site VIDEOTRON  du 18-12-2001.

(2)Lacan J., « De l’un et l’autre sexes », Le Séminaire, livre XIX, …Ou pire, Paris, Seuil, 2011, p. 9 & sq.

Texte relu et corrigé par Christine Maugin.

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