La Cause du désir, n°80 de la revue de l’École de la Cause freudienne
Éditorial par Anaëlle Lebovits-Quenehen
Avec ce numéro 80, la revue de l’École de la Cause freudienne change de nom pour devenir La Cause du désir. C’est qu’il n’a jamais été question que de désir dans cette revue : celui que les membres de l’École y mettent décidemment, celui que ses collaborateurs et auteurs y engagent, et celui que nous souhaitons faire rencontrer à ses lecteurs. La Cause du désir change aussi de visage – vous l’apercevrez dès l’abord – avec une couverture réinventée qui invite à découvrir l’œuvre d’un jeune artiste : ici, Jessica Lajard.
Si le désir, ou plutôt l’esprit de la revue reste le même, son visage, mais aussi son corps ont changé. En son cœur, un thème principal – cette fois : « Du concept dans la clinique » – se voit en effet consacrer trois des dix rubriques qui composent le numéro. Ainsi les rubriques « En ligne avec Jacques-Alain Miller », « Enjeux cliniques » et « Du concept dans la clinique » explorent-elles les liens entre ces deux notions dont elles tâchent d’éclairer le rapport (à moins qu’il s’agisse essentiellement d’un non-rapport…). Ensuite, les rubriques « Lacan dans le monde » et « Exthème » nous emmènent à la découverte d’études lacaniennes serrées et pointues, tandis que « La passe » publie le premier témoignage d’une ae : Hélène Bonnaud.
Revue de psychanalyse, La Cause du désir ne saurait cependant ignorer le monde qui l’entoure et à l’interprétation duquel elle prétend participer. C’est tout l’objet du grand entretien, qui convie ici le plasticien Jean Pierre Raynaud. Enfin, les rubriques « Élucidations dans le tumulte », « La plume alerte » et « La pause freudienne » font, elles aussi, la part belle à l’interprétation du monde contemporain : la première en analysant certains des phénomènes de société qui le caractérisent, la seconde en critiquant deux ouvrages littéraires ou scientifiques qui font l’actualité du livre, tandis que la troisième nous propose de découvrir le regard singulier d’un photographe. Vous pourrez ainsi découvrir dans ce numéro celui du franco-new-yorkais Jean-Christian Bourcart, inspiré par… la poubelle de son psy !
Un mot, à présent, du thème principal de ce numéro : « Du concept dans la clinique ». Si Lacan n’a jamais cessé d’être l’extraordinaire théoricien que l’on sait, sa théorie comme telle, mais aussi bien le chemin qu’elle emprunte – parfois tortueux, toujours inventif – doit tout, ou presque, au réel de la clinique qu’il n’a jamais renoncé à enserrer. C’est de sa clinique et de l’impossible auquel elle le confrontait, pour autant qu’il y trouvait une dignité spéciale, qu’il tirait les concepts dont son enseignement rend compte et qu’il avait renoncé à fétichiser. En effet, lorsque l’un de ses concepts ne lui semblait plus opérant, ou moins apte qu’un autre à ordonner la clinique avec laquelle il était aux prises, Lacan n’hésitait pas à l’amender, à le réinventer, à le relever pour le dépasser, ou encore à l’abandonner. Le discours analytique où son désir s’impliquait était bel et bien articulé – tout comme celui de Freud lorsqu’il l’inventait – à une praxis qui en faisait l’aune.
Et en même temps, pas de clinique sans les concepts qui nous permettent de nous y retrouver. Si le concept – nous le savons depuis Kant lecteur de Hume – précède l’expérience, l’expérience doit nous permettre de réinventer notre rapport à tel ou tel concept particulier. De la theoria à la praxis, du concept qui l’ordonne à la clinique qui l’éclaire, un double mouvement se dégage, dont ce numéro tente de rendre compte.
C’est donc d’abord un thème épistémologique que ce numéro 80 se propose d’explorer. L’étude de cette articulation participera ainsi, nous l’espérons, à combattre les fausses sciences, dont les tenants accusent trop souvent la psychanalyse de manquer de rigueur ou de ne pas se soutenir d’une épistémologie assez solide pour faire face à la « scientificité » de pratiques concurrentes. Toutefois, l’enjeu épistémologique recouvre aussi nécessairement des enjeux éthiques et politiques. Dans « La méprise du sujet supposé savoir », Lacan prétendait inaugurer « la méthode d’une théorie de ce qu’elle ne puisse, en toute correction, se tenir pour irresponsable de ce qui s’avère de faits par une pratique »1. L’enjeu éthique était placé au premier plan de son épistémologie. Nous ne saurions l’ignorer.
1 Lacan J., « La méprise du sujet supposé savoir, Autres Écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 332.
Sommaire
7 Éditorial
10 En ligne avec Jacques-Alain Miller
Du concept dans la clinique
18 Un bien-dire épistémologique, Serge Cottet
25 D’un lieu commun…, Pauline Prost
29 Lacan et son usage du concept, Jean-Louis Gault
35 Une théorie atopique, Rose-Paule Vinciguerra
40 « L’Autre qui n’existe pas » et l’inconscient, Pierre-Gilles Guéguen
45 Ce qui résiste à l’inconscient, Pierre Malengreau
50 L’interprétation et au-delà, Sophie Marret-Maleval
Du concept dans la passe
54 Le rien et le massif, une rencontre contingente, Patricia Bosquin-Caroz
59 L’équivoque, Sonia Chiriaco
Enjeux cliniques
66 Un éclair dans la clinique, Catherine Lazarus-Matet
69 Du dit au dire : la place de l’interprétation, Dominique Laurent
72 Interpréter ce que l’enfant sait, Hélène Deltombe
77 De la scansion dans la clinique, Jeanne Joucla
81 Le concept de discours analytique : un outil clinique, Victoria Horne-Reinoso
Lacan dans le monde
86 Esquisses d’économie politique et psychanalyse, Juan Carlos Indart
Exthème
100 L’amour, encore, Lilia Mahjoub
110 Nathalie Sarraute : variations autour de l’impossible à dire, Pénélope Fay
La passe
114 Un arrachement du réel, Hélène Bonnaud Rencontre avec Jean Pierre Raynaud
120 L’intime et la matière
Élucidations dans le tumulte
134 Dialogue sur quelques spectacles récents supposés blasphématoires, François Regnault
140 Le lien social et le sujet : de la totalité à la surprise, Philippe La Sagna
La plume alerte
148 Entre chiens et loups, Philippe De Georges
152 Le moment républicain, Pauline Prost
La Pause freudienne
157 Présentation de Jean-Christian Bourcart, Léonor Matet
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